Contexte & objectifs
Une organisation turquoise est un concept élaboré par le praticien belge des affaires Frédéric Laloux. Il s'agit d'un modèle exigeant à maturité élevée, rarement mis en œuvre, qui repose sur trois piliers : le sens de la mission ; la globalité de l'humanité ; l'autogestion (Bartosiewicz, 2017 ; Laloux, 2014 ; Tabaszewska-Zajbert & Sokołowska-Durkalec, 2019 ; Wasiluk, 2022). Accumuler des informations et les transformer collectivement en connaissances est considéré comme son facteur de réussite fondamental (Januszko-Szakiel, 2020). Malgré la rareté des données sur ce point, on peut raisonnablement en déduire que, dans la pratique, ce modèle flexible et responsabilisant individuellement investit chaque employé d'une part égale de responsabilité dans la prospérité de l'organisation. Il engendre des besoins d'information et des comportements spécifiques en matière d'information et exige une forme particulière de maîtrise de l'information. Les auteurs, dont l'un dirige une société de courtage d'informations basée sur le schéma turquoise, ont inspecté la réceptivité des étudiants en sciences de l'information et de la communication à l'idée même d'une organisation turquoise et, par la suite, leur volonté de développer les compétences nécessaires pour travailler avec ? une telle entité.
Nos objectifs sont définis comme suit : 1) mesurer, à l'aide d'une approche mixte, la réceptivité des étudiants en sciences de l'information et de la communication aux principes clés des organisations turquoises. Nous définissons la réceptivité comme la capacité, fondée sur les connaissances déjà acquises, à se projeter dans les environnements turquoise et à anticiper le type de travail d'information et les compétences à mobiliser ; 2) évaluer la préparation mentale et opérationnelle des étudiants en sciences de l'information et de la communication à intégrer les entités turquoise une fois diplômés. En d'autres termes, évaluer si les étudiants démontrent des compétences telles que le partage autonome et auto-responsable de l'information, la découverte et l'encodage des connaissances tacites au sein des organisations, l'autogestion et l'amélioration de la qualité des données et des informations générées, l'archivage durable et la préservation des ressources d'information de l'entreprise en vue d'une réutilisation ultérieure ; 3) suggérer d'ajouter un contenu pertinent aux programmes d'études universitaires en sciences de l'information et de la communication existants afin de mieux équiper les futurs employés d'organisations turquoises.
Méthodologie & résultats
Pour l'étude, nous avons utilisé une approche à la fois quantitative et qualitative, la première étant un questionnaire d'enquête en ligne. Pour la seconde, nous avons mené une série d'entretiens individuels semi-structurés en profondeur, dont les transcriptions complètes ont été analysées conjointement au prisme de la théorie de l'affordance et de la théorie de l'acteur-réseau. Nous avons administré l'enquête à un groupe de 90 étudiants en master de gestion de l'information, parmi lesquels nous avons recruté 12 personnes volontaires pour les entretiens.
Les résultats ont montré que les étudiants avaient des attitudes ambivalentes à l'égard des organisations turquoises, allant de l'approbation naïve à la méfiance aiguë. Leurs déclarations quasi unanimes de volonté d'être embauchés par une entité turquoise sont atténuées, voire contredites, par les résultats des entretiens individuels. Les étudiants ont montré quelques difficultés à identifier correctement les possibilités d'information et les connexions de réseau (théorie ANT) dans les environnements turquoise. Ils semblaient intimidés par le niveau élevé d'autonomie et d'implication personnelle responsable dans les processus de gestion de l'information intégrés dans le modèle turquoise. L'information étant le principal atout des organisations turquoises, les diplômés en sciences de l'information et de la communication sont, a priori, prédisposés à chercher un emploi dans de tels environnements et il est utile de vérifier leur capacité à être effectivement recrutés et à fournir un travail adéquat. Ces résultats préliminaires doivent encore être nuancés et traités en vue de les transformer en propositions réelles d'enrichissement des programmes d'études.
Références
- Bartosiewicz, S. (2017). Turquoise companies, future or utopia. Central and Eastern J. of Manag. and Econ., 5(3), 393–397.
- Januszko-Szakiel, A. (2020). Turkusowy model komunikowania i informowania w organizacji biznesowej: Studium przypadku. In P. Korycińska (Ed.), Horyzonty informacji (pp. 123–140). Uniwersytet Jagielloński, Biblioteka Jagiellońska. Retrieved March 11, 2023 from https://ruj.uj.edu.pl/xmlui/handle/item/261425
- Laloux, F. (2014). Reinventing organizations: A guide to creating organizations inspired by the next stage of human consciousness. Brussels: Nelson Parker.
- Tabaszewska-Zajbert, E., & Sokołowska-Durkalec, A. (2019). Towards a turquoise organization–personal change of employees and its socio-cultural barriers. Prace Naukowe Uniwersytetu Ekonomicznego We Wrocławiu, 63(9), 200–210.
- Wasiluk, A. (2022). On the way to turquoise organizations and turquoise leadership. Zeszyty Naukowe Politechniki Śląskiej. Organizacja I Zarządzanie, 647–661.
Aneta Januszko-Szakiel, Paloma Korycińska
Université Jagiellonian, Cracovie, Pologne